
L’endroit est paisible. Les amoureux déjeunent sur l’herbe, au bord de la Sèvre Niortaise, et les chats vagabondent en liberté. Des sculpteurs créent, un architecte naval invente ses bateaux. Il fait bon vivre dans cette vaste chamoiserie reconvertie des faubourgs de Niort. Depuis bien longtemps, on n’y travaille plus les peaux comme le voulait la tradition locale : la demie douzaine de corps de bâtiments est désormais occupée par des artistes en tout genre.
Celui qui nous intéresse, et qui nous a poussés à faire le voyage depuis la capitale, s’appelle Francis Garnier. Comme le sculpteur, il crée et comme l’architecte, il invente. Mais sa spécialité, c’est la moto !
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Une bonne trentaine de machines est entreposée dans ce vaste espace au sol coloré. Certaines sont en attente d’une bonne restauration, d’autres sont en état concours, mais la plupart sont des créations Garnier. Prêts à vous lécher les babines ?
En vrac, on trouve une BSA B50 offerte par sa compagne Céline pour ses 40 ans, une Royal Enfield 500 Meteor Minor, une Ducati 900 MRH, une Triumph 6T, une Norton Commando à cadre Featherbed étroit et fourche Dunstall, une Rickman Trident, une Kawa Z 650 au look dirt, une 900 Darmah « Superbikisée », une Guzzi Le mans à réservoir de Harley XRTT, une Martin, une Cagiva Mito à cadre Dupré, une Honda 750 Four de campagne…

… une Suzuki T500 racerisée, une Vespa motorisée par un CB 400, des cyclos Flandria à selles léopard, hommage au célèbre Lucien de Margerin, deux MZ 125 dont une à cadre Monark et réservoir MaÏco, un mono Ducati 250 en cours de scramblerisation, une palanquée de Motoconfort, Radior et autres Motobec récupérées dans des lots, une Buell, une Ducati 750 Sport en cours de restauration, une CB 400 refaite pour le Moto Tour et une Harley 1340 FXRS.
A l’étage, dans son loft soigneusement aménagé, Francis expose également une Honda 125 RS, trouvée au Japon dans une décharge, une Magnat-Debon 175 et surtout une magnifique Harley 250 SX qui disputa en son temps l’enduro du Touquet.
Francis Garnier est un homme de goût, pas de doute. Un homme ouvert comme en atteste son garage.
» Je naime pas trop le terme puriste, je préfère authentique… Si je devais collectionner quelque chose, ce serait plutôt les moteurs : monos, twins, trois, quatre, six cylindres… Cela me plairait davantage. »
Cette curiosité l’a par exemple mené au twin harley, lui qui roulait alors en twin italien :
» J’ai découvert les Harley il n’y a pas très longtemps et je vais, je crois, continuer dans cette voie. A 40 ans, je suis enfin en âge de comprendre cette moto. Le moteur Harley a de la souplesse et de l’allonge. Il possède plus de similitudes avec un Guzzi qu’avec un Ducati. »
Vous aurez noté cependant un absent de marque dans l’atelier de Francis : BMW.
« Avec un ami, on a construit une fois un racer sur base R90S. Une très belle moto, mais il restait toujours cette mécanique disgrâcieuse. Je n’aime pas l’architecture du flat, ni l’esprit teuton d’efficacité que représente BMW. »
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Coeur de nomade
Son ouverture d’esprit, Francis l’a cultivée dans les voyages. S’il est né et a été élevé à Niort, s’il refuse de vivre ailleurs que dans sa Venise verte, il a néanmoins fait le tour du monde pendant 10 ans. Il l’a parcouru comme motard, lui qui boucle 25000 kms par an au guidon de ses motos ; il l’a parcouru aussi comme mécano de course. Après avoir décroché sa première parution dans Mob Chop pour la création d’un cyclo motorisé par un Yam 125 RD, il a en effet bossé chez un artisan qui construisait des buggies pour le Paris-Dakar…
… il a ausi préparé des motos de rallyes-raid. Puis il s’est lancé en Grand Prix : d’abord comme monteur chez Michelin, ensuite comme mécano sur la Elf-Swissauto, enfin chez Tech 3 où il prépara notamment les motos de Shinya Nakano.
« Aller en GP m’a permis de travailler sur des motos fabuleuses, de vraies machines de course faites de belles pièces, de matériaux rares, de haute technologie. C’est de la vraie mécanique, pas du tout venant. »

Ces années GP lui ont valu deux rencontres capitales, Yves Kerlo et Guy Coulon, deux personnages éminents de la moto française.
« C’est un honneur dans ma vie de motard de les avoir connus. Guy a catalysé mon amour du deux-roues ; Yves m’a apporté un peu de diversité dans l’univers de la moto. Et les deux m’ont enseigné la rigueur. »
Guy, qui lui fournit de nombreuses pièces mécaniques, a aidé Francis à se reconvertir lorsqu’il arrêta les GP. Et Yves l’embauche régulièrement, lorsqu’un projet arrive dans ses ateliers. Vivre de ses créations n’est pas si facile en effet :
« Je n’ai rien à vendre sauf ce que je sais faire. »
Pour ses clients, venus à lui par le bouche à oreille, Francis restaure. Et parfois il obtient carte blanche :
« Des clients possèdent une moto mais ne savent pas quoi en faire. Alors c’est moi qui décide, scrambler ou racer. J’adore l’état d’esprit des Anglais qui font des motos sauvages, méchantes de look, avec de vieilles japonaises. J’aime que les clients me demandent l’impossible. Pour moi, une moto n’est jamais morte : tu peux toujours lui redonner vie. Je veux travailler pour des passionnés qui connaissent la moto. »